samedi 5 juillet 2014

ELO#176 - Aretha Franklin à Montréal 2014


Samedi 5 juillet 2014

Ne reculant devant aucun sacrifice, votre chroniqueur préféré est allé jusqu'à Montréal pour faire un compte rendu du concert d'Aretha Franklin un peu plus précis que celui qui en a été fait par la plupart des  journalistes (contrairement à ce que beaucoup écrivent, elle n'a pas chanté The House that Jack built!)...

Le concert commence à 20h30, après une première partie médiocre assurée par le Dizzy Gillespie All Star Band, avec une Aretha en grande forme physique (elle a minci) et vocale qui se lance dans un Higher and Higher de Jackie Wilson, accompagnée d'un groupe de 20 musiciens (toujours dirigés par HB Barnum) qui laisse augurer d'une belle soirée. 

Elle enchaîne avec une très belle version de Angel, et puis arrive la première déception de la soirée...

Extraits des deux premières chansons:

J'ai du mal à comprendre ce qui se passe (j'ai une hypothèse que je partagerai avec vous en fin de message): elle a un groupe de 20 excellents musiciens, mais elle n'a pas de choristes. A ce moment du concert, elle lance donc... une bande playback de Jump to It (avec groupe au grand complet ET les choeurs pré-enregistrés)!!! C'est bien elle qui chante par dessus la bande, mais bien entendu c'est 100 fois moins bien qu'avec un groupe, la dynamique et la synchronisation sont imparfaites, l'implication est réduite... La plupart des journalistes ne s'en rendent pas compte, et pourtant les musiciens, en particulier le bassiste et le batteur, ne font même pas semblant de jouer, à part quelques uns dont je ne sais pas s'ils font 100% semblant ou s'ils rajoutent quelques notes à la bande son pré-enregistrée.

Après cette douche froide, elle enchaîne deux morceaux issus de BO de films sur lesquelles elle a travaillé: Waiting to Exhale et Sparkle (les morceaux sont donc It Hurts Like Hell et Something He Can Feel). Musicalement faibles bien qu'accompagnées par l'orchestre, Aretha continue néanmoins de m'impressionner par sa voix.

Deuxième douche froide: le guitariste entame l'intro inimitable de Chain of Fools. Aretha demande: "cela ne vous rappelle rien?"... avant de lancer, à nouveau, une "piste pré-enregistrée", et ce classique est aussi joué en "mode playback" (attention, pas la voix d'Aretha, mais la bande son des musiciens et des choristes derrière elle, comme une vulgaire chanteuse de supermarché. A $100 la place quand même, un beau cadeau d'anniversaire, on attendait mieux... Cette fois ci les journalistes ne peuvent pas ne pas s'en rendre compte puisque la bande son ne commence même pas au bon moment et que le technicien doit s'y reprendre a deux fois. Néanmoins, la plupart des journalistes croiront qu'il n'y a que les choeurs a être pré-enregistrés, alors que je vous certifie que les autres instruments le sont aussi...

C'est l'heure de l'entracte et Aretha sort se changer pendant que l'orchestre joue une musique de Stevie Wonder, puis débute Happy, de Pharell Williams. Elle revient alors sur scène pour en chanter un couplet.

Elle enchaîne cette fois ci avec Old Landmark... mais a nouveau en "mode playback"! A la fin du morceau, alors que le son baisse sur la bande (!!!), le vrai groupe enchaîne et prolonge le morceau pendant de longues minutes, pendant lesquelles Aretha se lance dans un prêche gospel. Prêche assez émouvant où elle parle du pronostic (non précisé) que lui ont fait les médecins il y a quelques années. Pronostic auquel elle n'a pas voulu croire: elle leur a dit qu'ils se trompaient, qu'ils ne la connaissaient pas, et que ça ne se passerait pas comme ça. Et puis elle est retournée à l'hôpital quelques années après et, miracle: "what they saw on the cat scan then was not there anymore", alleluyah. Je le dis sans moquerie, le prêche gospel correspondait bien à la teneur de ce qu'elle racontait, et ça venait du coeur, contrairement à la plupart des phrases toutes faites qu'elle récitait parfois entre les chansons...

Elle enchaîne ensuite, peut-être un peu trop vite après cette séquence émotion, avec I Never Loved a Man, cette fois ci en "mode orchestre", puis avec Till You Come Back to Me, encore en "mode playback", où la fatigue commence pour la première fois à se faire sentir.

Après un deuxième faux départ de la bande playback qui annonce que le prochain morceau sera Think, elle préfère se mettre au piano pour un morceau (un seul malheureusement, alors que d'habitude c'est le meilleur moment du concert!), peut-être pour se reposer un peu. Toujours aussi divine au piano (à mon goût), elle consacre cette pause à la mémoire de Whitney Houston (je n'ai pas entendu de mention de Bobby Womack), en jouant I Will Always Love You avec des photos kitch de Whitney qui défilent sur un écran sur scène.

Comme annoncé, c'est bien Think, en "mode playback" qui suit, suivi de Freeway of Love en "mode orchestre".

C'est la première fin du concert, mais l'orchestre continue sur un instrumental de Rock Steady en attendant qu'Aretha revienne pour le rappel attendu de Respect, en "mode orchestre", c'est a dire toujours sans choristes, ce qui est bien dommage sur ce morceau!

Elle sort, alors que l'orchestre continue sur un instrumental d'un morceau que je ne connais pas, du style Broadway, mais elle revient saluer et chanter un couplet de ce morceau. Avant de retourner dans les coulisses, elle... jette sa perruque au public, comme pour révéler à moitié le mot tabou, le grand C...

Pendant qu'elle est dans les coulisses et que l'orchestre continue de jouer, on comprend qu'il n'est pas clair pour les musiciens si elle veut continuer de chanter ou terminer le concert. Ils s'arrêtent donc de jouer avant que, pour la dernière fois, une bande son soit lancée par les techniciens, pour qu'Aretha chante sa dernière chanson, The Way We Were... depuis les coulisses!!!

Donc voilà. 18 morceaux, dont 6, mais pas les moindres, en "mode playback": quel intérêt? Cela ne "l'économise" pas puisqu'elle continue à fournir l'effort de chanter pendant que ses musiciens se reposent. Elle ne peut pas se payer 3 choristes de plus? Les musiciens présents ne pouvaient pas apprendre les 6 partitions supplémentaires de ces 6 classiques? Après le concert, j'ai croisé trois musiciens d'Aretha Franklin, et je les ai entendu parler... en québécois! Est-ce cela l'explication? Est-ce qu'elle ne voyage pas (ou en tout cas pas cette semaine) avec un groupe au complet, qu'elle engage sur place une partie des musiciens qui, à la dernière minute, ne peuvent pas apprendre 18 morceaux, en apprennent 12 et se font remplacer par une bande son pour les 6 autres? C'est scandaleux, mais ce serait au moins une explication rationnelle. Sinon, je ne comprends toujours pas. A l'issue du concert, les articles de journaux mentionnent les choeurs pré-enregistrés à deux occasions, mais peu de journalistes et peut-être peu de spectateurs se sont rendu compte qu'il n'y avait pas que les choeurs de pré-enregistrés, que le subterfuge s'est reproduit à 6 reprises, et pas seulement les 2 fois où la bande a commencé trop tôt, ce qui donne raison a Aretha: pourquoi se faire chier pour un public de sourds...

Quel dommage néanmoins. C'est d'autant plus frustrant que c'est la grande Aretha et que, physiquement et vocalement, c'est la meilleure performance que j'ai vu d'elle (à Montréal il y a 6 ans, le set au piano était fantastique, mais le reste était poussif, et à Boston il y a près de 20 ans, tout était de la guimauve, je n'ai jamais eu la chance de la voir avant)... Il n'aurait donc pas fallu grand chose pour qu'il soit génial...

NB: apparemment le lendemain elle a joué à Ottawa en fin de journée et en plein air, et on retrouve les mêmes commentaires:


NB2: sinon, j'ai raté le concert gratuit de Diana Krall, mais grâce à youtube j'ai pu voir le rappel où elle fut rejointe par Elvis Costello:

Ophelia et Whispering Pines (The Band):
Et puis Subterranean Homesick Blues (Bob Dylan):
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Les morts du mois


Horace Silver. Grand pianiste et compositeur de morceaux de jazz teintés de soul, pour lesquels il écrivait toujours des paroles, bien qu'elles n'étaient quasiment jamais chantées, sauf lors de reprises par d'autres! 

Horace Silver dans The Jody Grind:

Horace Silver, en simple accompagnateur de Sonny Rollins, aux côtés d'un autre géant, Thelonious Monk, dans Misterioso:

Dee Dee Bridgewater dans Song for my Father, chanson d'Horace Silver:

Teenie Hodges, guitariste aux côtés de son grand compagnon Al Green, et d'amis plus récents, Cat Power, et même Bernard Lavilliers:

L'énorme Bobby Womack, malade mais programmé pour jouer à Paris cet été, ne viendra finalement pas. Pour se remémorer Bobby Womack, un article et quelques photos:

Bobby Womack était aussi guitariste accompagnateur, par exemple sur ces tubes:

Des chansons jouées pour Bobby Womack le jour de sa mort:

Quelques chansons de Bobby Womack en duo:

Et plus de 9 minutes de Bobby Womack avec (They long to be) Close to you:

Après lui, quels géants de la soul restent vivants? Aretha Franklin, Tina Turner, Diana Ross, Sam Moore, Al Green, Stevie Wonder? Qu'ils chantent encore longtemps!
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Une playlist entière contre le fascisme:

Avec: Marine Le Pen (Katerine), Les loups (Serge Reggiani), J'préfère cent fois (Sinsemilia), Le bruit et l'odeur (Zebda), Le quotidien (Ridan), Lily (Pierre Perret & Les Ogres de Barback), Un jour en France (Noir Désir), Nuit et Brouillard (Jean Ferrat), Amis dessous la cendre (Serge-Utgé-Royo), Voilà, voilà, que ça recommence (Rachid Taha), La Bête (La Tordue), Né quelque part (Maxime Le Forestier), L'aziza (Daniel Balavoine), Le métèque (George Moustaki), Amstrong (Claude Nougaro), Ma ville est malade (Massilia Sound System), Hexagone (Renaud), Le temps ne fait rien à l'affaire (Georges Brassens), Ces gens-là (Jacques Brel), The Trial (Pink Floyd), La jeunesse emmerde le Front National (Béruriers noirs), Halte au front (Les Sales Majestés), "Pas de pleurs, pas de peur" (Pavlos Fyssas alias Killah P), Intro + Ni oubli ni pardon (Sang Mêlé, Mixtape AFA Paris-Banlieue, inclus souvenirs de Clément Méric), Je crois que ça pas être possible (Zebda), Sales racistes (Alpha Blondy), A Las Barricadas (1936), L'affiche rouge (Louis Aragon par Léo Ferré), The Partisan (Leonard Cohen), Motivés en version hommage à Victor Jara (Zebda), 15ème Festival antiraciste de Thessalonique (The Speakieasies), Tout le monde (Zazie), Salut à toi, illustré par des enfants du monde entier (Béruriers noirs)... Des suggestions pour la compléter? Ecrivez à:
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Dessinateurs


A l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, découvrez jusqu'au 31 août 2014, la fresque monumentale "Bataille de la Somme 1916" de l'artiste Joe Sacco dans le couloir de la station Montparnasse-Bienvenüe:

Je vous parlais du numéro 8 de l'autobiographie de Siné (disponible uniquement chez votre marchand de journaux), qui parle d'Algérie, de Vergès, de Cuba, de Malcolm X... il en parle aussi dans cette interview pour Paris Match: